Hier soir, je rentrais à la nuit claire et douce, le long d'une route déserte et sinueuse, rejoindre mon amour endormi (elle aurait pu m'attendre, repassant à la chandelle, mais les femmes n'ont plus aujourd'hui le sens du sacrifice, tu le sais bien).
L'air était frais, le ciel un peu étoilé, les nuages s'en étaient enfin allés voir ailleurs si l'herbe était plus verte.
Pour le plaisir, dès le sortir de la mairie, j'avais inséré un bon vieux petit cd du grand Erroll Garner dans le mange disques compacts de l'automobile. Un petit bonheur.
J'ai pensé à Berge, qui aime tant le brave Erroll (à voir le site d'un fan, Gérard Rallu, avec d'excellents enregistrements persos), son swing feutré, rond et sourd, son son un peu cuivré qui fleure bon l'année folle...
Rien à voir avec notre Michel Petrucciani national et son toucher acier, sec, très sonore et ses impros quelquefois à la limite de la mélodie. Petrucc', c'est du piano champagne, clair, aérien, brut, âpre en bouche au début et puis les bulles, mon ami, les bulles ensuite qui égaient ton palais et éveillent tes sens.
Le jazz de Garner c'est un jazz whisky, solide, chaud et terreux qui te rassure et te réconforte, il te fait du chaud à l'intérieur... Erroll c'est un ami qui te prend par la main à la fin d'une longue balade et qui t'assoit dans le fauteuil club du cabanon. Petrucc' au contraire, il te prend par la main, te lève et te tire jusqu'à la plage, les pieds dans l'eau.
Deux amis bien chers, si différents... Deux pianos à apprécier différemment.